Principaux défis et avantages de l'épargne salariale et l'actionnariat salarié

04/06/2025

Dans un contexte économique en constante évolution, l’épargne salariale et l’actionnariat salarié s’imposent comme des leviers majeurs pour renforcer le dialogue social et la performance des entreprises. Afin de mieux comprendre les enjeux et les perspectives liés à ces dispositifs, nous avons rencontré François GONORD, directeur de mission au sein du Mouvement des entreprises de France. À travers trois questions clés, il partage son analyse des principaux défis rencontrés en France, explique comment ces outils peuvent transformer la relation entre employeurs et salariés, et propose des pistes concrètes pour encourager leur adoption, notamment au sein des PME.

Quels sont les principaux défis que vous observez concernant l'épargne salariale et l’actionnariat salarié en France ?

Le principal défi, c'est la couverture des TPE-PME. C'est de permettre à ces entreprises de taille plus modeste d'accéder à la richesse des outils et de se saisir de leurs opportunités. Si elles en ont l’appétence, il faut qu’elles puissent les mettre en place facilement.

Cela implique de travailler sur plusieurs axes qui concernent aussi les grandes entreprises : comment simplifier les dispositifs, comment les adapter aux spécificités de chaque entreprise, comment réduire les coûts, comment les faire connaître du plus grand nombre ? L’enjeu est de supprimer les frictions et de renforcer l’attractivité des dispositifs pour augmenter leur notoriété et que chaque entreprise puisse les mettent en place si elle le veut. 
Et là, les défis sont multiples : il y a des défis de communication et de pédagogie autour de ces mécanismes. Il y a aussi le sujet du coût, qui va avec celui de la simplicité et de la stabilité du droit et du traitement social et fiscal. Les entreprises ont besoin de temps pour découvrir, comprendre et adopter ces dispositifs. Un cadre qui évolue trop souvent crée du de l’incertitude et de l’inquiétude. Il faut permettre aux acteurs de s'approprier ces dispositifs qui s’inscrivent dans le temps sans crainte des évolutions futures. 
Sinon, il y a un risque d'autocensure : « je ne vais pas me lancer cette année, si les règles et les coûts risquent de se dégrader au prochain PLF ou PLFSS ». En attendant, le temps passe. Les entreprises manquent des opportunités d’enrichir leurs politiques managériales, de gagner en attractivité ou de motiver leurs salariés. Ces derniers passent à côté d’une opportunité de constituer une épargne, de gagner d’avantage ou d’être associés à la stratégie de leurs entreprises et au partage des fruits de leurs réussites. C’est sur ces différents enjeux et défis que nous avons travaillé dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur en 2023, puis dans la loi de transposition qui l’a suivi. Cela reste notre objectif. 

Un autre défi, c'est que les entreprises et les branches s'approprient largement et rapidement les nouveaux mécanismes prévus dans la loi de 2023. Ce sont des expérimentations. Il faudra donc en faire le bilan. Or, si les acteurs ne s'en sont pas saisi, le législateur risque d'aller vers des mesures plus contraignantes et moins adaptables aux spécificités et contraintes de chacun. Ce ne serait profitable pour personne.

Comment l'épargne salariale et l’actionnariat salarié peuvent contribuer à améliorer les relations entre les entreprises et leurs salariés ?

L’épargne salariale et l’actionnariat salarié permettent de fidéliser, de renforcer l’attractivité, d’apporter un complément de revenu et de motiver les salariés.

Mais au-delà de ces arguments habituels, nous y voyons une autre dimension très positive pour les entreprises et au-delà pour la société : cela engage un dialogue plus poussé entre les salariés et le management ou la direction. C’est un dialogue sur l’économie et la compréhension des enjeux de l’entreprise, notamment des enjeux financiers. C’est intéressant car c’est aussi une forme d’éducation financière et économique.

Cela permet aux salariés de mieux comprendre des questions qui leur paraissaient parfois abstraites ou éloignées. C’est aussi intéressant pour la direction, car ce dialogue permet de se mettre à la place des collaborateurs et de comprendre comment eux voient ces questions. Ils peuvent être force de proposition.

Par exemple, la négociation de l’intéressement peut donner lieu à un dialogue très concret sur les critères qui font sens d’un point de vue opérationnel. Ce dialogue, cette forme de co-construction quand l’entreprise le veut, permet d’ajuster beaucoup de choses sur le terrain. Ce n’est pas une pure logique descendante. C’est une dimension qu’on met trop rarement en avant.

Quelles mesures recommanderiez-vous pour encourager davantage les PME à mettre en place des dispositifs d'épargne salariale et d’actionnariat salarié ?

Il y a le triptyque attractivité, fidélisation, motivation, mais on peut aussi ajouter l’éducation financière et le dialogue que ces dispositifs peuvent induire. Sans ce dialogue et cette éducation, ces valeurs perdent de leur intensité. C’est donc un axe important pour faire vivre les outils et pour leur donner du sens. Cela permet ainsi d’éviter le piège de l’accoutumance des salariés qui peinent à comprendre une baisse des versements lorsqu’ils en ont régulièrement bénéficié dans les bonne périodes.
Il faut que les PME aient conscience des gains qu’elles peuvent trouver sur ces quatre axes à condition de les mettre en valeur et d’en exploiter réellement tout le potentiel. C’est important. 
Objectivement, il y a aussi un cinquième axe qui est celui de l’intérêt fiscal et social : l’impact positif sur la masse salariale est une dimension à prendre en compte. Ces dispositifs sont encouragés par l’Etat. Ils permettent donc d’attirer, motiver et fidéliser les salariés au coût le plus ajusté. Il n’y a pas d’autres outils qui permettent d’atteindre ce niveau de charges ou de fiscalité pour 100 € versés aux collaborateurs. Il ne faut pas que ce soit de la substitution au salaire mais cela fait partie des points forts de ces outils. Il me semble que c’est vraiment dans l’intérêt des entreprises, quelle que soit leur taille.
Enfin, il y a un autre intérêt, même s’il est indirect: quand ces dispositifs sont assortis d’un PEE ou d’un PER, on finance aussi l’économie. L’épargne sur ces fonds est largement investie dans le financement des entreprises. C’est bon pour l’économie française.

 

La suite de l’interview, abordant notamment les avantages et inconvénients de l’intéressement par rapport à la participation, l’avenir de la prime de partage de la valeur après la loi du 29 novembre 2023, ainsi que la comparaison de leurs impacts avec l’actionnariat salarié, est disponible en cliquant ici.