Épargne salariale : enjeux, évolutions législatives et comparaison des dispositifs

04/06/2025

Alors que l’épargne salariale continue d’évoluer sous l’impulsion de nouvelles réglementations et d’un contexte économique changeant, de nombreuses questions se posent quant à l’efficacité et à l’avenir des différents dispositifs proposés aux entreprises françaises. Dans la suite de notre entretien, François Gonord, directeur de missions au MEDEF, revient sur trois sujets majeurs : les avantages et inconvénients de l’intéressement par rapport à la participation, l’impact de la loi du 29 novembre 2023 sur la prime de partage de la valeur, et la comparaison des effets de ces mécanismes avec ceux de l’actionnariat salarié. Autant de points clés pour mieux comprendre les choix qui s’offrent aujourd’hui aux entreprises et à leurs salariés.

Quels sont les avantages et les inconvénients de l'intéressement par rapport à la participation pour les entreprises françaises ?

Je vois un avantage important à l’intéressement par rapport à la participation : l’intéressement est plus facile à expliquer, car on met en place des critères qui vont déclencher la prime. Vu du collaborateur, c’est plus parlant : « Mon engagement sur tel ou tel critère, décidé collectivement, va me permettre d’avoir les fruits de cet engagement. »

La participation a beaucoup de valeur, mais c’est une mécanique plus abstraite. C’est une équité dans le partage de la valeur, alors que l’intéressement est davantage un outil managérial. Il n’est pas à sens unique : en tant que manager, cela me permet de pousser sur des critères importants, comme l’amélioration d’un rendement ou la réduction des déchets, et en tant que collaborateur, je comprends mieux ce qui est attendu et le lien entre mes efforts et la rémunération.

Dans les deux cas, il s’agit d’un dispositif collectif. Ce n’est pas une prime individualisée. Mais avec l’intéressement, l’entreprise peut mettre en place des critères différents selon les services. Par exemple, si je suis à la comptabilité, on ne va pas me fixer les mêmes critères qu’un collègue sur la chaîne de montage ou que les commerciaux, et inversement. Ce n’est pas complètement individuel, mais ce n’est pas non plus les mêmes critères pour tout le monde.

Suite à la loi du 29 novembre 2023, quel serait l’avenir de la prime de partage de la valeur sur les dispositifs d'épargne salariale ?

À l’origine, la prime de partage de la valeur (PPV) n’était pas un dispositif de partage de la valeur. Comme son nom l’indiquait, c’était un pur outil de soutien au pouvoir d’achat, la Prime Exceptionnelle de Pouvoir d’Achat. Aujourd’hui, on essaie de la rapprocher de l’épargne salariale, de la mettre dans le schéma du partage de la valeur : depuis l’ANI et la loi de 2023, il est possible de verser la PPV dans les plans d’épargne. C’est un point d’arrimage important. De même, le versement la PPV fait partie des outils permettant de répondre à la nouvelle obligation de partage dans les entreprises de 11 à 49 salariés.

Mais on voit bien dans les statistiques annuelles, que la PPV est en retrait : l’année dernière, les montants versés étaient moins importants et moins d’entreprises l’ont versée. Cela correspond à une situation économique difficile. C’est aussi la conséquence d’un cadre moins favorables avec une typologie d’entreprises et de salariés éligibles de moins en moins large et avec la perte de certains allégements fiscaux et sociaux.

Toutefois, la PPV reste un outil bien connu des salariés et des dirigeants et très appréciée. Elle répond à des situations d’entreprises qui n’ont pas forcément la capacité ou l’envie d’entrer dans un régime pérenne comme l’intéressement ou la participation. La PPV permet d’aider les collaborateurs sans avoir à structurer un dispositif. Dans de nombreuses entreprises, elle peut aussi compléter ces dispositifs. Cela peut aussi être une forme de première marche vers l’intéressement, voire une forme d’intéressement très souple car, in fine, le dirigeant décide du versement d’une PPV selon des critères d’engagement ou de réussite du collectif de l’entreprise. 

Est-ce que l’impact est différent entre la participation, l’intéressement et la prime de partage de la valeur vs l’actionnariat salarié ?

Je ne comparerais pas vraiment l’actionnariat salarié avec la participation, l’intéressement ou la prime de partage de la valeur, car ce sont deux logiques absolument différentes. Autant on peut comparer participation, intéressement et PPV, car on parle de résultat et de partage direct avec les collaborateurs, autant l’actionnariat salarié relève d’une autre logique. On est davantage dans le long terme, dans la valorisation de l’entreprise, plus que dans sa capacité à générer du résultat immédiat. Les deux sont liés, mais ce n’est pas la même temporalité, ni le même impact. L’actionnariat salarié est très structurant pour l’entreprise. 

Cela dépend aussi du type de plan d’actionnariat salarié mis en place : est-il réservé au top management, au management intermédiaire, ou est-il vraiment « démocratique » et ouvert à tous les salariés ? 

L’actionnariat salarié peut aussi induire l’ouverture d’une partie de la gouvernance aux salariés. Cela va plus loin dans le dialogue économique et l’éducation financière. C’est un engagement fort, on n’y va pas par hasard.

Les entreprises qui pratiquent l’actionnariat salarié ont souvent aussi mis en place les autres dispositifs. Il y a donc une forme de complémentarité.

Attractivité
Il y a un effet d’attractivité évident pour le top management ou pour le management intermédiaire. Les cadres supérieurs sont intéressés si on leur dit : « Si vous venez chez nous, vous allez bénéficier directement de la croissance de l’entreprise comme actionnaire salarié. » : il y a un sens particulier. Sauf abondement ou décote significatifs, cette attractivité est peut-être moins marquée sur les populations de non-cadres, davantage sensibles aux arguments de la participation et de l’intéressement.

Fidélisation
La fidélisation est un argument important en faveur de l’actionnariat salarié. Il engage le salarié sur une perspective de plus long terme. La participation ou l’intéressement, peuvent fidéliser si les concurrents ne les proposent pas. Réciproquement, s’ils ne sont pas proposés, les salariés peuvent être attirés par les concurrents qui les proposent. Mais ce n’est pas de même nature que l’actionnariat qui est un ancrage dans l’entreprise : on en est aussi actionnaire. Il y a une valeur positive, c’est un vrai atout.

Motivation
Il me semble que l’actionnariat salarié joue beaucoup sur la motivation des cadres et cadres supérieurs, mais peut-être moins sur le reste des collaborateurs pour lesquels il est probablement assez neutre par rapport à l’intéressement ou la participation.

Cela dépend aussi du type d’entreprise et de pratique de l’actionnariat salariés avec trois grandes typologies : 

  • Les entreprises qui ont une forte politique d’actionnariat salarié, avec des attributions régulières accompagnées d’une réelle éducation financière. Là, l’actionnariat a une valeur forte, surtout si on explique régulièrement la stratégie de l’entreprise. C’est vrai pour les entreprises cotées comme pour les non-cotées. 

  • Les entreprises qui n’ont pas forcément cette culture, mais où le parcours boursier est tellement bon que souscrire au plan d’actionnariat salarié devient un choix économique évident.

  • Et puis, il y a les start-ups, où associer les salariés au capital fait partie du modèle économique, parfois même sans mettre en place les autres dispositifs.

En résumé, l’impact est très différent : l’actionnariat salarié est structurant et engageant sur le long terme, alors que la participation, l’intéressement et la PPV sont davantage orientés vers le partage immédiat du résultat. L’actionnariat salarié est un réel levier d’attractivité et de fidélisation, mais il faut l’accompagner d’une vraie pédagogie pour que cela ait du sens pour tous.